OKYO (MARUYAMA)

OKYO (MARUYAMA)
OKYO (MARUYAMA)

Fondateur du shasei-ga ou peinture réaliste, Maruyama 牢kyo reste, malgré son éclipse actuelle, l’une des figures prééminentes du Japon.

Son réalisme, absolument neuf, suscita l’opposition unanime des mouvements qui puisaient directement aux traditions sino-japonaises. Mais, comme elle correspondait aux aspirations contemporaines, sa vision des choses s’imposa irrésistiblement et influença par la suite jusqu’aux écoles antagoniques. En outre, sa volonté d’objectivité, son refus de tout ésotérisme lui gagnèrent un public aussi large que fidèle.

牢kyo eut le génie de traduire ses idées novatrices en termes éminemment japonais. En greffant les apports étrangers sur les techniques séculaires, en intégrant les innovations dans les traditions, il réussit une brillante synthèse qui s’inscrit harmonieusement dans l’évolution picturale du Japon. D’autres tentèrent la même expérience réaliste, mais il fut le seul à l’adapter parfaitement à l’âme nationale et à se faire reconnaître comme chef de file. size=5

牢kyo et le réalisme

Jamais la peinture ne fut aussi florissante, ni aussi largement accueillie, ni aussi diversifiée au gré des classes sociales que durant la période d’Edo (1615-1868).

À côté des écoles traditionnelles – Tosa et Kan 拏 – qui au service de l’aristocratie de sang et d’épée ne se renouvelaient plus, à côté de la grande peinture décorative – école Rimpa – étroitement liée aux arts appliqués, deux grands courants vinrent régénérer la peinture au XVIIIe siècle: l’un idéaliste, l’autre réaliste. Le premier s’incarne dans l’école Bunjin-ga , ou peinture des lettrés, qui s’adresse à une élite intellectuelle, éprise d’idéal chinois et quelque peu en marge de la société. Quant au courant réaliste, il couvre, dans son acception restreinte, l’école Maruyama et ses développements ultérieurs; mais, au sens large, il englobe aussi d’autres mouvements: l’Ukiyo-e , du fait de ses thèmes et de sa peinture de mœurs; l’école chinoise de Nagasaki, surtout par ses compositions «fleurs et oiseaux» (kach 拏 ) à la manière Ming et ses descriptions minutieuses de la nature; l’école européenne, enfin, qui donnait des transpositions malhabiles mais fidèles de l’esthétique occidentale, telle qu’on la percevait surtout au travers de la chalcographie hollandaise.

Bien que les modes d’expression de ces diverses recherches naturalistes soient très différents, la même conception les sous-tend: l’observation directe de la nature est épurée de toute intention littéraire ou philosophique pour n’en transmettre qu’une vision qui se veut objective. Mais seuls 牢kyo et son école rencontrèrent la vérité naturaliste, appropriée à l’esthétique japonaise, et l’appliquèrent à toutes les formes et à tous les genres picturaux.

Si le mouvement réaliste, quasi inexistant jusqu’alors, put s’épanouir soudain avec tant de force, c’est qu’il exprimait parfaitement l’esprit du temps. En effet, en dépit d’un régime féodal et policier qui la ravalait au bas de l’échelle sociale, une bourgeoisie, formée au commerce et à l’artisanat, avait conquis au XVIIIe siècle une place prépondérante, culturelle autant qu’économique. Et, que ce soit en Europe ou au Japon, réalisme et bourgeoisie vont de pair. En contact permanent avec la matière, cette classe positive entend trouver, en art comme dans son activité quotidienne, le même constat sensoriel, la même foi en une réalité directement perçue, le même amour du monde palpable. size=5

牢kyo, le novateur, en face de la tradition

Maruyama 牢kyo, qui appartenait à une famille d’agriculteurs de la province de Tamba, arriva assez jeune à Ky 拏to. Son initiation à la peinture se serait faite, vers dix-sept ans, sous la direction d’Ishida Yutei (1721-1786), maître d’obédience Kan 拏. Il poursuivit personnellement une large formation classique, comme en témoignent les multiples copies d’anciens qu’on trouve dans ses carnets. Ces premières études marquent définitivement et sa technique et sa composition.

Tôt appelé à gagner sa vie, 牢kyo fit des megane-e ou vues stéréoscopiques, nouveautés importées de Chine et d’Europe et qui avaient alors la vogue. Inspirées des gravures hollandaises quant à leur graphisme, leur perspective linéaire, leurs jeux d’ombre et de lumière, elles représentaient des sites chinois ou européens. 牢kyo en agrandit le répertoire, pour le compte d’un marchand de curiosités de Ky 拏to, en représentant des endroits célèbres du Kansai. Cette expérience de jeunesse eut sur son œuvre une importance à la fois négligeable et capitale: bien qu’il rejetât, par la suite, une technique foncièrement étrangère à l’Extrême-Orient, il en retint l’approche intellectuelle, une transcription du monde sensible, respectueuse de la perception oculaire, et non plus son interprétation dans le cadre des conventions.

L’art d’ 牢kyo recèle, en outre, une forte influence de l’école de Nagasaki, sans qu’on ait des preuves certaines de relations directes: même prédilection pour le monde végétal et animal, même minutie et même exactitude quasi scientifique dans le rendu.

Mais si la longue carrière d’ 牢kyo ne fut qu’effort persévérant pour cerner toujours de plus près la réalité objective, pour retenir des choses leur aspect formel plutôt que leur esprit, il ne put se départir du sens décoratif et du sens lyrique, si profondément ancrés dans la sensibilité japonaise. Ces tendances peut-être inconscientes, en contradiction avec ses théories, atténuèrent, en bien des cas, la sécheresse de l’œuvre ou en masquèrent la ténuité.

La réalisation d’un idéal

Aux approches de la trentaine, 牢kyo affirme une personnalité croissante dans sa fidélité au réel. De nombreux carnets et rouleaux de croquis révèlent une volonté aiguë d’objectivité: il ne s’y contente pas de saisir la morphologie animale et végétale, mais aussi – chose fort rare au Japon – l’anatomie humaine. Et toutes ces études servirent à créer des œuvres de tous formats et de tous genres.

Il excella dans l’e-makimono ou rouleau enluminé, très usité à l’époque d’Edo et resté des plus traditionnels. Sans le pratiquer beaucoup, 牢kyo y donna toute la mesure de son génie, tels les trois rouleaux Mampuku zukan (Malheurs et bonheurs , 1767). Cette œuvre, d’inspiration religieuse, fut dépouillée sous son pinceau de toutes les conventions propres à l’iconographie bouddhique, jusqu’à n’être plus qu’une froide observation à la manière d’un reportage.

Mais c’est dans la peinture de très grand format – paravents, portes, cloisons coulissantes – qu’ 牢kyo s’illustra comme maître sans égal (exception faite de Kan 拏 Sanraku), aussi puissant que prolifique. Tout l’art d’ 牢kyo s’y résume: préférence donnée au paysage, au monde végétal et animal, éléments réalistes, sens remarquable de la composition, travail du pinceau aussi varié que parfait, raffinement des couleurs et des nuances.

Une expression réaliste dans une forme classique, un parfait équilibre entre tradition et renouvellement, telle est la manière d’ 牢kyo. Elle est à l’image même du cadre où vécut l’artiste, c’est-à-dire du Kansai, ce conservatoire plus que millénaire de la culture japonaise autant que région économique de pointe, ce pays façonné par une société à la fois progressiste et consciente de son précieux héritage.

À sa mort, 牢kyo laissa quantité d’élèves qui continuèrent son œuvre. Mais ce fut Goshun qui comprit le mieux le sens de cet art et lui insuffla l’âme qui lui manquait.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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